Interview de Thierry Laniesse, directeur du Pays Cœur d'Herault (3 communautés de communes – 77 communes – 82 000 habitants)

Quel est votre parcours professionnel ? 

J'ai un parcours quelque peu atypique ; j'ai une formation technique agricole et d'éducateur spécialisé ce qui m'a permis d'accompagner les personnes en difficulté pendant 5 ans en France et en Afrique (Côte d'Ivoire et Burundi). Puis, j'ai repris des études d'ingénieur agro spécialisé dans le développement local.  Avec ces nouvelles compétences, j'ai d'abord été en charge de l'appui aux agriculteurs en Corse puis j'ai été chargé de la création du Parc naturel régional de la Narbonnaise dans l'Aude.

Ma volonté, avec ce nouveau challenge, était de passer de l'accompagnement de publics  particuliers  à l'accompagnement de territoires. Après 10 belles années de préfiguration puis de gestion du PNR, j'ai eu encore envie d'un nouveau défi et je suis devenu directeur du Pays Cœur d'Hérault. Dès mon arrivée, la diversité des domaines d'action était exaltante ; développement économique, SCOT, PCAET, Santé, tourisme… le spectre d'intervention est beaucoup plus large que dans un PNR. C'était également plus clair au niveau du jeu d'acteurs, avec des intercommunalités mieux installées et « équipées » que dans les années 90, ce qui facilite grandement les choses sur le terrain. Aujourd'hui, j'aime dire que mon métier est de proposer une vision prospective, une ouverture vers l'avenir qui va toujours plus loin, et où tous les territoires se reconnaissent.

Quelle expérience vous a particulièrement marqué?

Sans conteste, la création du PNR de la Narbonnaise. J'avais déjà une expérience dans un parc national burundais mais plutôt sur un poste technique consacré à la transmission, à la mise en marche et en mouvement de la structure.

Dans cette nouvelle aventure, il a fallu faire adhérer les acteurs à la genèse du projet et cela n'a pas été sans réticence. La multiplicité des acteurs et les différentes évolutions institutionnelles exigeaient de la lisibilité et de proposer une vision commune et partagée. L'enjeu était donc de créer la structure assez vite pour qu'elle devienne réelle avec une Charte de Parc ambitieuse mais réaliste. À l'époque, chaque échelon était un acteur incontournable et les contours des compétences de chacun étaient souvent floues. Dans ce contexte, l‘une des difficultés fut l'accompagnement et l'articulation des compétences avec l'émergence du rôle de la Région et des intercommunalités. Cette période de latence passée, c'est aujourd'hui une chance d'avoir une Région forte et un bloc communal structuré. Pendant cette période au Parc, j'ai aussi décidé de passer le concours d'ingénieur territorial pour gagner en légitimité face à mes collègues et mes équipes. Pour finir, ce qui m'a particulièrement marqué dans cette expérience a été de fédérer des acteurs autour d'un projet commun pour créer les conditions de la coopération quand ils n'ont pas naturellement eu l'idée ou l'envie de le faire.

Comment la crise sanitaire a changé votre pratique professionnelle ?

Comme pour mes collègues, le travail à distance nous a demandé de favoriser la flexibilité en faisant de l'agilité une réalité et non plus une posture en matière RH. Ce qui a été sans doute plus facile pour moi car j'anime une équipe d'une vingtaine de collaborateurs ingénieurs, cadre A, qui peuvent tous travailler en distanciel sans trop de problème. En tant que développeur, cela a été un véritable défi car étant aussi positionnés sur les problématiques de santé, nous avons dû renforcer notre appui aux territoires en mettant en réseau les professionnels et en organisant leur approvisionnement avec les collectivités territoriales.

Cette crise m'a aussi fait réaliser qu'il fallait se recentrer sur l'essentiel ; l'accompagnement des entreprises, les mobilités actives, les problèmes d'approvisionnement et alimentaires et les politiques de santé... Je suis impressionné par la réactivité des collectivités en cette période compliquée. Cette expérience nous a grandement rapprochés en facilitant les process, l'information et la communication. Il faut dire que notre territoire a connu un important renouvellement lors des dernières élections (40%), nous avons donc principalement travaillé avec les DG d'intercommunalités pour informer, sensibiliser et répondre aux demandes des communes.

À qui, à quoi ressemblera la / le dirigeant.e.s de territoire de demain ?

Un couteau suisse numérique ! Elle/Il devra avoir la panoplie du DG 2.0, savoir actionner les bons leviers et favoriser la collaboration en interne, avec les territoires, avec les systèmes et les acteurs locaux car on ne peut plus rien faire seul de son côté.

Elle/Il ira chercher les compétences sur tous les territoires qui sont « connectés » au sien pour créer de véritables alliances des territoires et trouvera les modalités pour « faire ensemble ».

Enfin, Elle/Il aura toujours un coup d'avance et saura anticiper les changements en ayant toujours plusieurs scenarii, plusieurs voies pour répondre aux nombreux challenges qui se présentent tout en priorisant sur les problématiques de développement local, de santé, de mobilités et d'alimentation.

[25/02/2021]