Interview de Madame Anne Pithon, Commune Nouvelle de Sèvremoine
Maine et Loire – 25 572 habitants – 10 communes fusionnées
Quel a été votre parcours professionnel ?
Je suis dans le monde professionnel depuis près de 30 ans. Après avoir obtenu un Diplôme d'Études Approfondies (DEA) en Droit Public Interne, j'ai eu l'opportunité d'intégrer la fonction publique territoriale en tant que secrétaire de mairie dans une commune rurale de Vendée (2500 habitants). J'occupais un poste dans une commune mais j'étais tout de même en relation étroite avec le monde de l'intercommunalité. En effet, à la création d'une communauté de communes sur le territoire en 1992, j'ai été en charge de l'écriture de ses statuts. Souhaitant évoluer dans ce milieu, j'ai ensuite passé et obtenu mon concours d'attachée et j'ai tout de suite intégré une autre commune de Vendée encore en tant que secrétaire de mairie. Cette commune se trouvait dans la communauté d'agglomération de La Roche-sur-Yon, intercommunalité en construction et cette agglomération avait fait le choix de confier le secrétariat des commissions aux secrétaires de mairie : j'ai ainsi pu participer activement aux travaux intercommunaux. En 1999, au moment de la Loi Voynet et du développement des pays, j'ai quitté la Vendée pour le Maine et Loire et je suis devenue DGS du syndicat mixte du Pays des Mauges qui regroupaient 64 communes. Je travaillais sur les études et sur le développement local notamment sur la culture, les questions environnementales et les problématiques liées à l'emploi et à la formation. Le Pays des Mauges se composait d'une structure publique que je dirigeais avec les élus communaux et intercommunaux et d'une structure associative, ancêtres des conseils de développement actuels. Dans ce contexte, je côtoyais à la fois des élus, des agents, des acteurs associatifs et de la société civile. L'animation de ce réseau d'experts et d'associations fut très riche et j'ai pu y découvrir des sujets que je ne connaissais pas comme les thématiques liées à l'environnement. Au 1er janvier 2007, sur le territoire des Mauges, deux petites communautés de communes ont fusionné pour en créer une plus grande suite à la Loi Chevènement. Un nouveau poste a été ouvert et c'est ainsi qu'en avril 2007 je suis devenue directrice générale des services de la communauté de communes de Moine et Sèvre : 10 communes pour 25 000 habitants.
J'avais pour premières missions la gestion de la fusion des 2 communautés et la clarification des compétences. En 2008 suite aux élections municipales, une nouvelle équipe s'est mise en place. Nous avons initié un projet de territoire en 2011. En 2013, nous avons pris la compétence d'urbanisme. En 2014, nous avons changé de président. Dans le même temps, suite à la loi NOTRe une nouvelle organisation a été initiée et un mouvement s'est développé dans les Mauges : les communautés de communes de l'époque se sont transformées en communes nouvelles et les communes nouvelles ont créé une communauté d'agglomération. J'ai ainsi pris la tête d'une des communes nouvelles créées lors ce mouvement.
Ainsi, et ce depuis le 1er janvier 2016, je suis DGS de la commune Nouvelle de Sèvremoine, auparavant communauté de communes de Moine et Sèvre : 10 communes pour 25 572 habitants sur 213 km 2. Je travaille sur des compétences communales telles que l'état-civil, la proximité, les élections, la petite enfance, ou encore la vie scolaire. Mes études de droit m'ont apporté un fond de culture juridique de base qui me sert toujours au quotidien mais j'ai découvert sur le terrain toutes les logiques qui font le développement local : les questions d'animations du territoire, de concertation et de co-construction avec la population et de coordination avec les élus et les agents.
Quel projet a particulièrement marqué votre carrière ?
La création de la commune nouvelle est le grand projet de ma carrière. À la fois parce qu'il est relativement récent mais aussi et surtout car il est et restera exceptionnel. Sur notre territoire, on a l'habitude de dire qu'on ne vivra cela qu'une fois dans notre carrière entre collègues. Ce regroupement est unique de part son ampleur, le nombre d'acteurs impliqués et la rapidité avec laquelle nous l'avons mis en place. L'initiation de ce projet a débuté il y a plus de 5 ans et ce fut une période passionnante. Je participais à un projet novateur, un peu expérimental parfois mais très riche de contenus. Les enjeux managériaux furent importants pour les élus et surtout les agents mais je me suis attachée à ce que cela reste bienveillant. Ainsi, il y a eu un accompagnement des agents qui semblaient le plus en difficulté.
Aujourd'hui cela a permis à nos agents de monter en compétences, de se former et se spécialiser dans des conditions de travail de meilleures qualités. L'organisation est aujourd'hui plus fluide et plus structurée : notre territoire est plus visible et plus attractif, ce qui facilite le recrutement. Je suis passée d'un poste de DGS de pays et d'intercommunalité très stratégique axé sur le développement du territoire, à un poste très managérial, axé sur le management de la structure. J'ai pu découvrir les multiples facettes du métier de DGS. L'appellation reste « directeur général des services » mais j'ai l'impression d'avoir eu quatre métiers différents. Aujourd'hui j'ai un rôle de « Manager des élus et des agents ».
Quel est votre sujet d'actualité ?
L'actualité de ma structure se décline en trois points.
En premier lieu, les prochaines élections municipales qui annoncent un changement. À partir de mars prochain, de nouveaux élus vont intégrer notre collectivité avec un projet politique défini. Avec le comité de direction et les chefs de service, nous préparons au mieux ce changement. Nous travaillons actuellement à la réalisation des documents d'accueil des nouveaux élus : des documents synthétisés sur les compétences de la collectivité, ainsi que les différents interlocuteurs au sein de celle-ci. Un programme de formation – information se prépare pour constituer le vadémécum de ce qu'un élu municipal doit savoir en ce qui concerne d'une part les compétences exercées par la commune et d'autre part, les compétences intercommunales et les relations entre la commune et l'intercommunalité. Par ailleurs, la question de l'équilibre du binôme élu – agent est une thématique à prendre en compte.
Ensuite, je porte une réflexion en interne concernant la participation citoyenne. Ce processus a été mis en place avec la commune nouvelle notamment dans le cadre de l'élaboration du PLU'S. L'enjeu est de faire participer la population aux décisions de la commune, afin qu'ils y trouvent un réel intérêt. Le véritable enjeu réside dans le travail d'apprentissage et de pédagogie qui doit se construire d'abord avec les services avant de le présenter à la population. Enfin, nous sommes bien évidemment conscients des bouleversements actuels et nous sommes entrés dans une réflexion autour des transitions au sens large : nous avons bouleversé les choses avec la création de la commune nouvelle et nous savons que nous serons toujours en évolution, en charge de mener des changements permanents. Par conséquent, nous allons intégrer les questions de transitions environnementales, numériques, et démocratiques dans tous nos processus de décision et dans toutes nos politiques publiques.
Que vous apporte l'ADGCF ?
J'adhère à l'ADGCF depuis plus de 10 ans. Les apports intellectuels et les réflexions sont très riches. L'association m'aide à mettre les choses en perspective et à mieux comprendre les évolutions territoriales. L'ADGCF offre à ses adhérents des temps de respiration durant lesquelles on sort du quotidien, des problématiques et des difficultés locales de nos structures notamment durant les Universités d'été. Les thématiques abordées à Deauville étaient d'ailleurs très intéressantes, les réflexions sont toujours globales et rassemblent tous les DGS, qu'importe l'actualité de leur collectivité. À l'ADGCF, on peut lever le nez pour regarder un peu plus loin, relativiser et échanger avec ces personnes qui occupent cette fonction de DGS sur des territoires différents.
[13/02/2020]