« Des transitions aux ruptures »

Publié il y a maintenant cinquante ans, le rapport Meadows n'a malheureusement jamais semblé aussi actuel. Commandé initialement par le Club de Rome, un « think tank » qui réunit des scientifiques, des économistes et des industriels, l'opus, rédigé par quatre chercheurs du MIT, est rendu public en 1972.

Son objet : mettre en perspective trois dynamiques concomitantes et exponentielles, la croissance économique, l'essor démographique et la surconsommation des ressources terrestres. Sa conclusion est simple, évidente : il n'y a pas de croissance infinie dans un monde fini. Alertant l'opinion publique sur les risques qu'encoure l'Humanité au regard de l'exploitation irraisonnée de notre planète, appelant au déploiement de politiques écologiques volontaristes, le rapport intitulé Les limites à la croissance connaît alors un succès retentissant.


Des transitions aux ruptures

Pour autant, force est de constater que ses recommandations sont largement restées lettre morte. Pour preuve, les chiffres et statistiques régulièrement égrainés par les centres d'expertise et relayés par les médias au cours de ce mois de septembre 2022 et qui ont de quoi nous laisser groggy : selon l'agence américaine NOAA, la concentration de CO2 dans l'atmosphère a atteint un nouveau record en 2021 en raison de la reprise de l'activité mondiale post-COVID. Selon une étude de l'OCDE, le soutien des États aux énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz) a « presque doublé en 2021 » —700 Mds$ aujourd'hui versus 360 en 2020— et constitue ainsi « un obstacle à l'émergence d'un avenir plus durable ». Selon le cabinet Refinitiv « presque tous les scénarios » conduisent à une offre d'électricité insuffisante en France cet hiver (importations comprises) avec trois périodes à haut risque : fin novembre-début décembre, la 2ème semaine de janvier et fin janvier-début février. Selon le ministère de la Transition écologique, l'empreinte carbone d'un Français avoisine aujourd'hui les 9 tonnes de CO2 par an. En 15 ans, il a été réduit de 2 tonnes. Si l'on veut rester dans les clous de l'Accord de Paris (+1,5° au maximum), il faut réduire de 7 tonnes supplémentaires dans les 25 prochaines années. Selon le PNUD (Programme de l'ONU pour le Développement), après 32 ans de hausse ininterrompue, l'Indice de Développement Humain (IDH) qui regroupe espérance de vie, niveau d'éducation et revenus, a baissé dans 90 % des pays du monde en 2020 et 2021 pour revenir à son niveau de 2016. Résumé du patron du PNUD : « nous mourons plus tôt, nous sommes moins éduqués et nos revenus baissent ». Précisons que la France arrive en 28ème position, sur 191 pays, dans ce classement des IDH les plus élevés…

Inutile de poursuivre l'énumération de données qui annoncent que si nous n'opérons pas un changement radical dans nos façons de fabriquer, de consommer, d'habiter et d'aménager notre environnement, nous allons droit dans le mur. C'est pourquoi ce n'est plus par le biais des « transitions » qu'il nous faut appréhender notre avenir mais bien par celui des « ruptures ». Et pour ce faire, il ne suffit pas de décréter « la fin de l'abondance ». Le tournant écologique, urgent et crucial pour notre devenir et celui des prochaines générations, présuppose que l'État et l'Union Européenne prennent réellement leurs responsabilités en fixant des programmes de recherche, mais aussi et surtout d'action, cohérents et ambitieux tout en veillant à amortir les impacts sociaux qui en découleront. A charge pour les collectivités de promouvoir localement une nouvelle grammaire pour nos politiques publiques locales, associant toutes les parties prenantes privées et publiques, préservant les ressources du territoire —l'eau, l'air, le sol— et permettant de répondre aux besoins vitaux de la population ­­—alimentation, santé, énergie, mobilités, etc.

Mes cher(e)s collègues, c'est ce fil rouge qui alimentera les réflexions de l'ADGCF tout au long de l'année à venir : envisager concrètement la lutte contre le changement climatique comme le seul et unique référentiel des principales politiques publiques dont l'intercommunalité a la responsabilité —l'habitat, les mobilités, le développement économique— pour déterminer ensuite le type d'organisation territoriale et le modèle de fiscalité ad hoc. Dit autrement, c'est une nouvelle fois avec la volonté de jouer les éclaireurs que l'ADGCF souhaite engager un nouveau chantier prospectif en s'inscrivant, je le répète, non pas dans le discours de la « transition », mais définitivement dans celui de la « rupture ».

Venez en débattre et apporter votre pierre à nos travaux à l'occasion de notre Assemblée Générale, le 5 octobre prochain à Bordeaux !

 

Yvonic RAMIS
Président de l'ADGCF

[26/09/2022]