Entretien avec Audrey Galland, Directrice générale de France Gaz Liquides


Entretien avec Audrey Galland, Directrice générale de France Gaz Liquides

Parlons un peu de France Gaz liquides : que représente l'association et que signifie cette formule affichée « l'énergie de tous les territoires » ?

Nous avons, en France une culture des énergies « en réseau » : réseau électrique, réseau de gaz naturel, réseau de chaleur urbain. Pourtant, en métropole, 24 470 communes de faible densité populationnelles ne disposent pas de réseau de gaz naturel, ni de réseau de chaleur urbain, et l'électricité relève du régime rural de l'électrification. En effet il y a moins d'abonnés en zone de faible densité populationnelle. Les énergies en réseau n'ont ainsi pas toujours un modèle économique soutenable.  C'est là qu'interviennent les adhérents de France Gaz Liquides : Antargaz, Butagaz et Primagaz. Les fournisseurs de butane et de propane, proposent une solution de gaz porté, c'est-à-dire viable partout, y compris lorsqu'il n'y a pas modèle économique pour les énergies en réseau. Les gaz Liquides sont de ce fait essentiels à la satisfaction des besoins énergétiques de tous les territoires français.

 

Les territoires ruraux, où il y a faible présence des réseaux, ont donc des besoins spécifiques en matière énergétique, différents des milieux urbains ?

Les territoires les moins densément peuplés ne sont pas des déserts. Il y a une activité économique, agricole, des services publics qui sont présents autour des habitants. Il y a donc des besoins énergétiques, avec certaines spécificités.

La première caractéristique spécifique à la ruralité concerne les bâtiments. Dans les territoires ruraux le parc de bâti est beaucoup plus grand : majoritairement composé de maisons individuelles, plus de 50 % du bâti fait plus de 120m2. Il est également plus ancien que dans les villes et cela se ressent sur la performance thermique de l'enveloppe : près de la moitié des bâtiments a été construit avant la première réglementation thermique. La rénovation énergétique des bâtiments en zone dense et en zone peu dense n'est donc pas de même nature.

 

La seconde caractéristique est le réseau de distribution électrique. Afin de développer ces réseaux en tous points du territoire, au même tarif pour chaque usager, la péréquation tarifaire permet de lisser la différence de rentabilité entre les zones où il y a beaucoup d'abonnés, les zones urbaines, et les zones où il y en a peu, les zones rurales. Le réseau de distribution électrique rural est sensiblement plus long en France que le réseau de distribution électrique urbain. Ainsi, au regard des chiffres communiqués par la Cour des Comptes et Enedis, avec le niveau d'investissement actuel, il faudrait 103 ans pour renouveler tous les réseaux de distribution électrique français. Si l'on souhaitait renforcer le réseau des 10 000 communes les plus rurales, cela représente13Mds d'€ d'investissements pour la seule distribution, soit 2 ans du budget prévisionnel d'investissement d'Enedis.

 

La transition énergétique sera donc plus difficile dans ces territoires ?

Nous sommes actuellement dans l'attente de la publication du décret de programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) pour la période 2025-2035. Il doit nous permettre d'atteindre la marche extrêmement haute fixée par le Green Deal Européen d'Ursula Von der Leyen en termes de réduction des émissions de CO2. Or, en France comme en Europe, les spécificités de la ruralité sont un angle mort des politiques énergétiques. Notre filière travaille tant au niveau français qu'au niveau européen à faire reconnaître le besoin d'une politique énergétique de cohésion des territoires si nous souhaitons éviter une fracture énergétique entre les territoires denses et les autres.

 

Nous sommes très heureux qu'en France, le dernier projet de PPE aborde pour la première fois ce sujet de la densité populationnelle et des besoins énergétiques. C'est un premier pas et une grande nouveauté, pour une programmation pluriannuelle de l'énergie, d'aborder ainsi la question de l'aménagement énergétique du territoire. Toute la question de la transition énergétique est de trouver le mix énergétique adapté et équilibré à chaque territoire et supportable, tant par l'utilisateur final que par les finances publiques nationales comme locales.

C'est pourquoi nous devons trouver la bonne équation entre réseau électrique et biocombustibles portés tels que le biopropane dans ces zones peu denses.

 

Pour assurer la transition énergétique dans les territoires, mettre en œuvre la PPE, quels rôles doivent jouer les collectivités et en particulier les intercommunalités ?

Les collectivités, notamment les intercommunalités, vont jouer un rôle majeur dans la mise en œuvre de cette programmation pluriannuelle de l'énergie. Il va falloir désormais déployer réellement et de manière très opérationnelle des politiques locales ambitieuses afin ces objectifs se matérialisent sur le terrain.

Il y deux ans, tous les acteurs des territoires, les collectivités mais aussi les services déconcentrés de l'État, ont été invités à se réunir en COP régionales pour identifier les outils manquants ou à disposition pour territorialiser la Programmation Pluriannuelle de l'Énergie. Les intercommunalités disposent d'une compétence de planification, d'une expertise et d'une connaissance des territoires pour évaluer la meilleure solution énergétique à apporter à tel ou tel endroit. Les différents documents et schémas de planification nous semblent un outil pertinent pour regarder les différentes zones d'un territoire, les capacités des réseaux, et la pertinence des énergies décarbonées à fournir. Pour de nombreux acteurs dont France Gaz Liquides l'échelon intercommunal nous semble avoir la dimension critique et la capacité d‘ingénierie pour piloter localement ces questions de planification énergétique.

 

[28/04/2025]