Directeur du cabinet NewDeal, Didier Locatelli analyse la dynamique des communes nouvelles
Peut-on croire au nouveau couple : « communes nouvelles, intercommunalités renouvelées » ?
Créées par la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, les communes nouvelles ont vu leur statut revisité par la loi du 16 mars 2015. Si l'intérêt financier, au travers le maintien des dotations pour les communes muées en commune nouvelle, peut constituer un moteur du changement, l'hypothèse d'une transformation de la commune interroge en profondeur le mode de fonctionnement et l'avenir des intercommunalités.
« Par un cadre renouvelé de gouvernance, conciliant les nécessités d'intégration et d'accessibilité du service public, la commune nouvelle pourrait bien être cette étape stratégique tant attendue de refondation du bloc local », Didier Locatelli, président de l'entreprise New Deal, spécialiste en diagnostic et prospective territoriale nous livre son témoignage.
Dans quel contexte s'inscrit cette promotion des communes nouvelles ?
Le premier élément de contexte est ce vieux serpent de mer de la vie locale, à savoir la baisse inéluctable du nombre de communes. Comment est-il possible de concilier l'élargissement des périmètres intercommunaux et le maintien d'un tel morcellement communal? On se retrouve aujourd'hui dans des configurations d'ingouvernabilité des EPCI, en raison de majorités politiques dépendantes de coalitions de petites communes. Aussi paradoxale soit cette situation, l'intercommunalité est ainsi pilotée par les communes périphériques; et l'on observe de très nombreux cas où le président de l'EPCI est le maire d'une petite commune. L'autre élément de contexte réside dans le sens des réformes territoriales récentes qui mettent avant tout l'accent sur deux collectivités: les intercommunalités et les régions. Et pourtant, c'est encore dans les départements et les communes que se situent l'essentielles des ressources publiques.
La commune nouvelle constitue t'elle, cette fois-ci, un réel dépassement du modèle communal français ?
La loi du 16 mars 2015 donne jusqu'au 1er janvier 2016, la possibilité pour des communes de se transformer en commune nouvelle, et il est question de proroger ce délai. Par un maintien des dotations forfaitaires, il y a un intérêt évident de court terme pour des communes qui affrontent de profondes difficultés financières à s'engager dans ce processus.
Aussi, on a vu qu'il était quasiment impossible d'inscrire expressément dans la loi la fin du modèle communal français; et les tentatives de "fusions autoritaires" des communes se sont toutes soldées par des échecs. En revanche, je crois que cette loi, sans faire disparaitre la commune de la carte institutionnelle, marque une étape, dans la mesure où elle révèle "un dépassement de l'esprit de clocher". L'existence de cet échelon témoigne de l'idée que la commune héritée de l'Ancien régime, ne constitue peut-être plus cet échelon de référence pour piloter l'action publique locale.
Il s'agit d'un échelon « infra-communautaire et supra communal », sa consécration par des élus locaux peut-il changer en profondeur la gouvernance des intercommunalités ?
D'un point de vue institutionnelle, oui très clairement car il donne un cadre pour que des majorités beaucoup plus claires se dégagent au sein du conseil communautaire.
Bien entendu, tout dépend aussi de la manière dont les élus communautaires s'empareront de ce nouveau dispositif. Aujourd'hui, on observe par exemple un réel paradoxe dans de grandes agglomérations. Pourtant juridiquement très intégrées, on a vu fleurir aux cotés des conseils communautaires, des « conseils de maires », des « bureaux des maires », etc. Ces instances ad hoc en permettant la validation des grandes orientations de l'EPCI, le plus souvent à l'unanimité de ses membres, illustrent en effet cette difficulté culturelle à s'émanciper du modèle communal français.
Peut-on dès lors parler de chance ou d'opportunité pour l'intercommunalité ?
La commune nouvelle s'apparente davantage à une opportunité qu'à une transformation radicale du bloc local. Par une transformation des arènes communautaires, elle offre la possibilité de faire « mieux et plus d'intercommunalité », sans rayer d'un revers de main le poids de l'histoire. Il faut se rappeler qu'il y a un postulat fondamental qui préside à la consécration des communes nouvelles: on ne peut étendre les périmètres et la centralisation des compétences des EPCI sans penser la territorialisation de l'action publique. On sait combien les termes « proximité » et « identité » constituent encore des référents majeurs; et sont régulièrement invoqués dans le débat public. En simplifiant la gouvernance des structures intercommunales, en constituant un nouveau point d'équilibre « intégration/territorialisation », je vois dans la commune nouvelle un point d'étape essentiel.
[08/12/2015]