Analyse des dynamiques de création des communes nouvelles

Interview de Catherine Donou, chargée de mission au sein de Territoires Conseils – Banque des territoires


Interview de Catherine Donou

Quel bilan tirez-vous de la dynamique de création des communes nouvelles relancées par la loi du 16 mars 2015 ?
Le bilan est positif. Si le mouvement de création des communes nouvelles a commencé timidement entre 2010 et 2015, il a connu un essor très important ces dernières années du fait des améliorations apportées au texte initial par cette loi relative à l'amélioration du régime de la commune nouvelle. Au 1er janvier 2018, on dénombre près de 560 communes nouvelles qui regroupent près de 1 900 communes et 1,9 million d'habitants. Cette dynamique qualifiée de « révolution silencieuse », initiée par les élus locaux et reposant sur la libre volonté des maires et de leurs équipes, témoigne de leur souhait de projeter leurs communes dans l'avenir dans un contexte de contraintes budgétaires et d'agrandissement des périmètres intercommunaux et régionaux notamment. Elle concerne majoritairement des communes rurales mais elle touche également des EPCI dans leur ensemble (30 communautés de communes se sont transformées en commune nouvelles) et des communes plus urbaines dont l'objectif est de renforcer leur position vis-à-vis des autres collectivités.

Quelles sont les motivations et les stratégies des élus locaux qui s'engagent dans cette démarche ?
La motivation première est de repenser et de renforcer l'échelon communal en menant de nouveaux projets à l'échelle de la commune nouvelle, souvent cimentés par un passé commun et des habitudes de travail déjà éprouvées (secrétaires de mairie ou agents techniques partagés, regroupement scolaire, équipements sportifs, habitants qui se retrouvent au sein des mêmes associations, des mêmes commerces…).

Si l'accompagnement financier a souvent joué un rôle moteur dans les réflexions, en période de baisse des dotations rappelons-le, mais aussi parce que la commune nouvelle peut représenter un coût au démarrage, il est à conjuguer à d'autres motivations ou stratégies non exclusives les unes des autres :

  • - Développer un nouvel espace communal dans le respect des communes fondatrices : opter pour une mutualisation totale entre communes pour faire à plusieurs ce qu'on ne peut faire seul, en conservant les liens de proximité et l'identité de chacune des communes.
  • - Territoriale et/ou politique : exister ou « peser » différemment demain au sein d'une communauté au périmètre élargi en parlant d'une seule voix (identité, représentation, présence au bureau…). Depuis quelques mois on observe également que la création d'une commune nouvelle peut aussi être l'occasion de changer d'intercommunalité (cas de communes « à cheval » sur une ou plusieurs communautés)
  • - Financière : augmenter les capacités budgétaires des communes regroupées en optimisant la gestion de la commune nouvelle afin de dégager de nouvelles capacités d'action (pérenniser et/ou étendre-développer des services aux habitants)
  • - Compétences : conserver les acquis d'une communauté très intégrée en cas de fusion d'EPCI (problématique des compétences « orphelines », compétence scolaire notamment).
  • - Crise des vocations : faire face à la problématique du prochain renouvellement des équipes municipales dans beaucoup de communes où la difficulté à constituer des listes s'est déjà présentée lors des élections précédentes (il s'agit parfois d'un élément déclencheur dans la réflexion).

 

Comment envisagez-vous la période post 2020 pour les communes nouvelles ?
Nous travaillons avec l'Association des Maires de France sur les communes nouvelles et nous pensons que la dynamique va se poursuivre dans les années à venir pour les raisons que j'ai évoquées précédemment. Beaucoup d'élus réfléchissent actuellement à la création d'une commune nouvelle et veulent engager une réflexion sur cette question au cours des années à venir, certains en feront d'ailleurs un projet de mandat à part entière.

[26/06/2018]