Journaliste, secrétaire général du Global Local Forum, réseau international d'expertise et d'action sur le développement territorial et le renforcement de l'action publique locale, Jean DUMONTEIL vient de publier La France des possibles (Éditions Fayard).
Pourquoi ce livre La France des possibles ?
Alors qu'il y a une défiance généralisée contre la politique et les élus, ce livre est un plaidoyer contre le déclinisme ambiant. À partir de récits et d'expériences réussies, j'apporte des preuves qu'il se passe des choses formidables dans notre pays et que cet élan démocratique part du local, des projets portés par les élus locaux et leurs équipes.
Sylvain Tesson a dit à juste titre que les Français sont des gens qui vivent au paradis et qui se croient en enfer. Le constat est réel mais ce sentiment est d'une grande injustice pour ceux qui se battent au quotidien pour améliorer la qualité de vie de nos concitoyens. En politique, on entend toujours l'arbre qui tombe mais pas la forêt qui pousse. J'ai voulu montrer toute cette germination.
J'ai aussi essayé de faire un travail d'interprète, de traducteur. La gestion locale est complexe, les politiques territoriales sont diverses. Pour preuve, il n'y a pas un autre secteur économique et social qui recouvre une telle diversité de métiers. Journaliste spécialisé, j'ai longtemps décrypté l'actualité territoriale pour les élus locaux et les cadres territoriaux, mais dans ce livre je le fais pour les non spécialistes, pour des citoyens éclairés, en essayant d'être pédagogue, en définissant les concepts et en racontant comment cela s'incarne dans des projets et des actions innovantes.
Vous parlez des maires qui innovent et qui réparent mais qu'en est-il de l'intercommunalité ?
Quand on évoque la figure du maire, on parle des élus locaux et de leurs équipes. Le bloc communal ou bloc local, interco et communes, c'est aujourd'hui le creuset de l'action publique locale. Une très grande partie des expériences que je relate sont portées à l'échelle intercommunale et j'essaie de montrer justement comment on a besoin de l'interco.
Aujourd'hui, l'interco se trouve placée devant un double défi : être à la fois l'interco de projet et une interco servicielle. Comment retrouver de l'agilité, de ne pas devenir un “machin“ technocratique ? Comment s'appuyer sur le réseau des conseillers municipaux qui ont été jusqu'à présent les grands oubliés de l'interco alors qu'ils constituent des relais efficaces ? Comment mobiliser des citoyens volontaires à l'exemple des réserves civiques ? Il y a tout un travail d'animation à développer. Nous aurons demain des cadres intercommunaux qui devront être des animateurs de communauté. Les applications numériques utilisées en ville seront beaucoup plus utiles en habitat dispersé avec des systèmes d'alerte rapide. En même temps, il ne faut pas tomber dans le fantasme de la démocratie directe permanente.
Quel est votre message sur l'innovation territoriale ?
D'abord, qu'en management, il faut toujours répondre à des questions concrètes. Le local, c'est la politique des solutions et toutes les expériences réussies dans les domaines les plus divers en apportent la preuve. Pour autant, ce n'est pas le concours Lépine de la créativité. L'innovation doit être une culture partagée et systémique ; face aux mutations que nous vivons, nous n'avons pas le droit d'être englué dans les habitudes et le conformisme.
Derrière des mots comme innovation, inclusion, résilience, qui paraissent déjà usés avant d'être utilisés, il y a des concepts, des projets politiques, des méthodes qu'il faut connaître pour se les approprier et éviter d'en faire des gadgets qui nuisent à la crédibilité des politiques publiques.
Nos concitoyens ont des attentes paradoxales : ils veulent à la fois de la simplicité, de la liberté et davantage de garanties, de sécurité que seul l'élévation du niveau normatif peut leur apporter. Plus que jamais, il faut donc marier simplicité et sécurité, et se donner les moyens de rester agiles.
[13/03/2020]