DGA RH & finances de LINTERCOM Lisieux Pays d'Auge Normandie (33 communes, 42 000 habitants) Franck Gestin souligne les risques qui pèsent sur les politiques d'investissement des intercommunalités.


Mettre le pacte fiscal et financier au service de la solidarité

Quelles sont les principales étapes de votre parcours dans la territoriale ?

C'est simple : en matière de trajectoire territoriale, je suis intercommunalement pur ! Géographe de formation, j'ai intégré le DESS administration locale de l'Université de Caen. Diplôme en poche, j'ai candidaté aux fonctions de directeur de la communauté de communes de Trévières, dans le Calvados et j'ai été recruté. C'était une petite communauté –elle réunissait 7 000 habitants, mais le challenge était passionnant : la dynamique intercommunale était née dans la foulée de la promulgation de la loi Chevènement de 1999 et il fallait organiser le transfert de compétences : développement économique bien sûr, mais aussi petite enfance, vie scolaire, voirie… Ce fut très formateur, d'autant que les élus locaux portaient véritablement le projet communautaire. Entré comme contractuel, j'ai ensuite passé le concours d'attaché territorial. Au fil du temps, j'ai souhaité m'investir dans des problématiques un peu plus urbaines. C'est comme cela que je suis arrivé à la communauté de communes de Lisieux. Vincent Binet, le DGS, prenait ses fonctions : il cherchait quelqu'un pour l'épauler dans la structuration de l'intercommunalité et préparer les futurs transferts de compétences. J'ai été intéressé par sa vision d'une direction générale fonctionnant véritablement en binôme : voilà comment je suis devenu DGA ressources humaines & finances, il y a un peu plus de 4 ans.

 

Précisément, quels sont projets que vous avez investis ces dernières années ?

En soutien des élus, nous avons tout d'abord animé la démarche d'élaboration du projet de territoire et son pacte financier et fiscal en 2010 et organisé le processus de consolidation de l'institution intercommunale. Ensuite, tout au long de l'année 2012, nous avons préparé la fusion avec la communauté de communes de Moyaux, qui regroupait 9 communes et 4 000 habitants, et qui est effective depuis le premier janvier 2013. Les compétences et la fiscalité étant relativement proches, l'enjeu majeur était que les élus apprennent à se connaître et à travailler ensemble. Ils l'ont notamment fait en définissant leurs objectifs politiques dans une charte de fusion et en mettant à jour le pacte financier et fiscal. Nous avons par ailleurs lancé une démarche de PLUi ; nous en sommes aujourd'hui à l'élaboration du PADD. En cours également, la commercialisation d'une nouvelle zone d'activités de 60 hectares, la création d'une pépinière d'entreprises et télécentre, le projet de pôle d'échange multimodal autour de la gare de Lisieux...

 

« Attirer l'attention des futurs élus »

 

Vincent suit tout particulièrement actuellement la problématique de la désertification médicale qui menace notre territoire ; à cet égard, la communauté s'est mobilisée et finance la création d'un pôle de santé composé de trois antennes et le recrutement d'un coordonnateur. Quant à moi, j'ai spécifiquement en charge la coordination des interventions communautaires en matière de politiques culturelles : projet d'établissement de la médiathèque, réhabilitation du conservatoire, déménagement de l'école d'arts plastiques, les élus ont délibéré pour l'acquisition du palais épiscopal dont le projet reste à définir même si il devrait être orienté culture et tourisme.

L'effet levier de la communauté en matière de développement local est donc incontestable. Concernant notre politique d'investissement précisément et, à l'aune des élections municipales, nous avons réalisé une analyse prospective pour la période 2014-2020 et défini un montant disponible pour le prochain PPI. L'enjeu est bien d'attirer l'attention des futurs élus sur les risques de dégradation rapide de nos ressources et de fiscalité atone, sans oublier que nous ne sommes pas à l'abri d'une surprise concernant la CVAE. Ces éléments ont décidé les élus à retenir en hypothèse de travail de l'analyse financière une baisse de dotation d'état de 5 % par an (soit une perte cumulée de 5 M€ sur le prochain mandat) et une fiscalité ne progressant que modestement. La conséquence observée de cette hypothèse est une dégradation très nette de nos ratios de gestion (taux d'épargne brute atteignant son niveau d'alerte et la capacité de désendettement se détériorant mécaniquement sans réaliser de nouveau emprunt) dès 2017/2018. On ne peut plus penser intercommunalité d'un côté et communes de l'autre : c'est bien en termes de bloc local et de pacte fiscal et financier qu'il faut aujourd'hui organiser la solidarité territoriale.

 

La réduction des marges de manœuvre du bloc local, c'était d'ailleurs la thématique du dernier colloque ADGCF…

Oui, nous y avons assisté. Nous voulions savoir si nous n'étions pas trop pessimistes sur l'état de nos ressources. Nous n'avons pas été déçu puisque le constat était unanime : si on ne réagit pas en début de mandat, on va droit dans le mur ! C'est d'ailleurs en cela que le réseau ADGCF, national et régional, est essentiel : nous ne partageons pas toujours le même avis mais par la confrontation sans tabou, entre professionnels, de nos expériences nous parvenons à anticiper les problèmes susceptibles d'affecter les dynamiques intercommunales locales.

[25/02/2014]