Source : Caisse des Dépôts

Loin de la réussite mise en avant par le gouvernement et certaines associations d'élus locaux, les fusions de communautés intervenues en janvier ont été perçues négativement par une partie des agents. Dans une enquête qui a recueilli leur parole, ces derniers évoquent leurs incertitudes, ou leur sentiment d'un éloignement du terrain. L'Association des directeurs généraux des communautés de France (ADGCF) a profité de la présentation de cette étude, le 20 avril, pour introduire des propositions d'évolution du statut de la fonction publique territoriale.


Fusions de communautés : entre inquiétude et optimisme, le sentiment mitigé des agents

Beaucoup d'agents ont mal vécu les fusions ou les élargissements intervenus début 2017 dans 45% des 1.266 intercommunalités que compte aujourd'hui la France. C'est ce dont rend compte une étude de l'observatoire social territorial de la Mutuelle nationale territoriale (MNT) publiée dans l'ouvrage "Les communautés face aux défis RH" que l'Association des directeurs généraux des communautés de France (ADGCF) a présentée lors d'un colloque, le 20 avril, à Paris.
"On est dans le brouillard […] C'est dans quinze jours et on ne sait toujours pas", témoignait en décembre dernier l'un des 28 agents intercommunaux interrogés par le sociologue consultant Jérôme Grolleau. Ce dernier a rencontré "beaucoup d'agents" qui, à quelques jours seulement des fusions, étaient dans l'ignorance de ce qui allait arriver. D'autres agents pointaient leur insuffisante association aux décisions et l'éloignement du terrain. "Tout va se décider là-haut, et cela va tomber d'un coup, […] sans qu'on tienne compte de ce qu'ils souhaitent", déclarait un agent. "On tient à la proximité avec la population. On a l'impression d'être avalé par la machine", affirmait un autre.

"Spirale négative"

Lorsqu'un DRH a été nommé, les agents ont parfois eu ensuite beaucoup moins de relations directes avec le DGS qu'auparavant, a aussi souligné le sociologue. Ce changement s'est parfois accompagné de la mise en place de procédures écrites, perçues comme plus contraignantes et longues. Dans ce cas, les agents ont le sentiment de réaliser un travail de moindre qualité. "C'est le début d'une spirale négative", décrypte Jérôme Grolleau. Les différences de statut entre les agents issus de communautés différentes ne facilitent pas les choses. L'un d'eux a fait remarquer qu'"il y a beaucoup de jalousie autour des salaires" et que l'"on harmonise au fur et à mesure, pareil pour les horaires". Sa conclusion : "Cela suscite beaucoup de conflits et un climat suspicieux."
Les réorganisations qu'ont connues bon nombre d'intercommunalités ont pu favoriser une dégradation du climat social, a confirmé Philippe Charton, directeur du développement de Sofaxis. Dans une contribution à l'ouvrage diffusé par l'ADGCF, le groupe expert en protection sociale des personnels met en évidence "deux points d'alerte" : le sentiment d'injustice que les agents peuvent éprouver en cas de disparité des situations préalables à la fusion et les conflits de valeur pouvant être générés par les demandes des élus des communes et de l'exécutif de l'agglomération, jugées parfois contradictoires par les agents. "On observe à la fois de l'inquiétude et de l'attente chez les agents. Si cette dernière n'est pas satisfaite au bout d'un certain délai, la situation devient très anxiogène", fait pour sa part remarquer Jean-René Moreau, président de l'Observatoire social territorial. C'est alors que les risques psychosociaux - dont le stress et l'épuisement sont les symptômes les plus courants - sont en croissance et que l'absentéisme, notamment celui des cadres, grimpe.

"La fusion ouvre des perspectives"

D'autres agents sont toutefois plus positifs. Selon eux, la fusion a été l'occasion d'enclencher "une dynamique", "un renouveau", "une professionnalisation", ou encore "une modernisation des processus" qui, parfois, s'accompagnent d'"une plus grande reconnaissance". Un agent estime aussi que la fusion "ouvre des perspectives [de mobilité] à tout le monde", tandis qu'un autre a le sentiment qu'"il y a plus d'entraide" et que "chacun sort peu à peu de son territoire".
De telles situations ont été favorisées par une communication active et des échanges réguliers avec les agents. Dans le cadre d'une "action RH consistante", l'intercommunalité a mis en place des rendez-vous carrière, a incité à la formation, a professionnalisé le travail et a mis en place un suivi de l'activité tout en renforçant le sentiment de fierté, explique Jérôme Grolleau. Selon lui, "les communautés ne peuvent pas être dans une stratégie minimale d'accompagnement du changement". Le sociologue leur recommande de saisir "l'immense potentiel" que constituent les attentes des agents pour "franchir une nouvelle étape".

 

Statut de la fonction publique territoriale : l'ADGCF propose des adaptations

Après plusieurs mois d'un "vif débat" entre les adhérents de l'ADGCF sur le statut de la fonction publique territoriale, le bureau de l'association se prononcera, le 19 mai, sur des propositions d'évolution dans ce domaine.
Ce 20 avril, le président, Pascal Fortoul a dévoilé quelques-unes des pistes qui seront discutées et qui ont une grande chance d'être retenues. L'une des plus fortes consiste à faire partout de l'intercommunalité l'employeur unique des communes et des communautés, en prévoyant une mise à disposition des personnels nécessaires auprès des communes. "Le statut sera mis en œuvre de manière plus équitable qu'aujourd'hui et l'on sera en capacité d'avoir une véritable gestion prévisionnelle des emplois et des compétences", a souligné Pascal Fortoul.
L'association devrait aussi réclamer de nombreux assouplissements, comme la capacité à recruter des agents en CDD pour la durée d'un contrat signé avec des collectivités territoriales ou la mise en œuvre d'un projet, et ce même si des agents titulaires sont candidats au poste. Une simplification de la mise en œuvre des sanctions envers les agents est aussi prônée, mais sans remise en cause des garanties dont ceux-ci disposent. Par ailleurs, les directeurs généraux des communautés devraient proposer la suppression des actuels seuils de population pour le recrutement de cadres supérieurs territoriaux. De tels seuils interdisent, par exemple, à une commune de 10.000 habitants de recruter un administrateur territorial. L'ADGCF est aussi séduite par l'idée de supprimer les filières d'emplois qui structurent la fonction publique territoriale (administrative, technique, sociale…). L'association pourrait encore suggérer de généraliser l'évaluation professionnelle des agents en vue notamment de la détermination de leur régime indemnitaire. Une autre proposition potentielle dévoilée par le président de l'ADGCF est commune avec le Syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales (SNDGCT) : il s'agit de reconnaître dans les textes le DGS de la collectivité comme une véritable autorité administrative.
A l'automne dernier, l'ADGCF a interrogé quelque 700 DGS de communautés sur la question du statut de la fonction publique territoriale. A 70%, ils ont prôné le maintien du statut, mais la plupart ont souhaité qu'il soit adapté (sur les résultats de cette enquête, voir ci-dessous notre article du 3 novembre 2016).

 

[25/04/2017]