Source : lagazettedescommunes.com
« La solidarité intercommunale à l'épreuve des fractures territoriales », c'est le thème général des universités d'été de l'Association des directeurs généraux des communautés de France (ADGCF), qui se tiennent au Grand Bornand, les 6 et 7 juillet. La première matinée est d'emblée consacrée à la montée en puissance des métropoles. Elle inquiète. Le processus de métropolisation, et « la volonté manifeste d'étendre le modèle Lyonnais », selon Pascal Fortoul, président de l'ADGCF, va avoir des effets sur redistribution des richesses et pourrait renforcer les fractures territoriales. Comment alors organiser le « ruissellement métropolitain » ?
Selon Frédéric Gilli, chercheur au pôle Ville de Sciences Po et Directeur associé de l'agence Grand Public, on tend bien vers un affrontement entre « métropole et non métropole ». Or les grilles d'analyse des chercheurs sont devenues obsolètes et ne permettent plus de comprendre les modifications profondes issues du changement de modèle.
De leur côté, les représentants des métropoles tentent d'atténuer toute vision négative des métropoles.
Hégémonie économique
Économiquement, explique le chercheur, la métropolisation se traduit par le détachement des entreprises de leur ancrage territorial. Les groupes se réorganisent, avec une modification de la chaîne de valeurs, de plus en plus complexe, dont une grande une grande partie est captée par la « fonction Gestion ». « Et justement celle-ci se localise par le lieu même de l'intermédiation, à savoir la métropole ».
Mais on reste dans le flou sur les effets de la métropolisation : quel est le poids réel des grandes aires urbaines et comment ne pas tomber dans les biais statistiques ? Ainsi, la surproductivité des plus grosses métropoles, et notamment la MGP, doit être pondérée par la réalité du pouvoir d'achat, le coût de la vie et le cadre de vie. Autrement dit, tout est relatif, y compris entre métropoles !
Olivier Parcot, DGS de Nantes Métropole conteste la notion de « ruissellement métropolitain » : ni ruissellement, ni irrigation. Mais plutôt « interactions avec les territoires voisins ». A Nantes métropole, « on construit une alliance pour sortir des logiques institutionnelles, avec la mise en réseau des acteurs sur des logiques de projets, économiques ou culturels ».
Cette notion d'alliance, bien plus que celle de ruissellement, convient bien à Pierre Laplane, DGS de Strasbourg Eurométropole. Il s'agit d'abord de partager avec les territoires. Mais il se plait aussi à noter que tous les territoires profitent de la dynamique métropolitaine avec, parfois, avec un certain cynisme : « partenaires et bénéficiaires, tout en se réjouissant, de ne pas en être contributeurs ».
Fracture politique
L'aspect politique de la métropolisation est tout aussi compliqué. Le risque est de produire des politiques publiques qui oublient des territoires et des populations. « Il faut savoir construire des politiques publiques intégrant les effets ressentis par les citoyens. Frédéric Gilli s'appuie sur un exemple concret (assez salutaire !) : « développer la mobilité et amener des transports en commun modernes dans des territoires périphériques, c'est aussi perçu par les habitants comme la certitude d'une inévitable hausse des prix ».
La seule solution pour réduire le risque de fracture politique, c'est l'implication des citoyens, et leur consacrer du temps politique, construire des espaces de discussions.
Pierre Laplane, DGS de Strasbourg Eurométropole, réagit : les métropoles sont justement attendues dans le cadre d'un dialogue clair avec les territoires. Pour ce faire, il faut oser la transgression, face à la pesanteur des organisations administratives ».
Olivier Parcot, DGS de Nantes Métropole explique que la question démocratique de la gouvernance métropolitaine se résoudra grâce à l'élaboration intelligente de ces outils que sont le schéma de cohérence territoriale (SCOT) et le projet d'aménagement et de développement durable (PADD)
Le rôle des cadres territoriaux
Deux visions donc, de la métropolisation : l'une inquiète; l'autre optimiste . Mais une mission partagée des deux côtés : il faudra inclure les territoires et les citoyens et éviter les fractures territoriales.
Un constat qui fait sonner particulièrement les propos introductifs de Frédéric Pin, Vice-Président de l'ADGCF qui considère qu' il n'a jamais été aussi important d'affirmer les métiers et missions des cadres dirigeants. « Ce n'est pas une posture de pouvoir, c'est revendiquer la capacité à porter des analyses stratégiques, auprès des élus, et piloter des organisations complexes ». Et travailler à éviter que les métropoles deviennent des isolats…
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[17/07/2017]