instances nationales de l'AMF ont ouvert leur 106 ème Congrès. Il faut dire que le mot d'ordre choisi cette année, « Les communes... Heureusement », succédant, rappelons-le, au « Communes attaquées, République menacée » de 2023, ne laissait guère de doute sur l'esprit et la tonalité des trois journées de débats. Pour l'ADGCF, il n'y a pas l'ombre d'un doute : les maires et l'ensemble de leurs adjoints et conseillers — n'oublions pas ces derniers— sont dans une position intenable : la complexité de l'action publique, qui tend à mettre en difficulté nombre d'entre eux, se produit au moment même où leurs électeurs clament haut et fort un besoin de service public recentré sur des compétences de « protection » renvoyant à la raison d'être de l'institution communale. La situation est d'autant plus tendue que la défiance aux institutions s'exprime au quotidien sans retenue sur les réseaux sociaux et sur un mode particulièrement outrancier.
Pas étonnant, dans ce contexte, que les communes s'apparentent de plus en plus à des « banques de colère » pour reprendre le concept développé par le philosophe allemand Peter Sloterdijk. Qu'entend-il exactement par-là ? Dans le monde contemporain, les émotions —le ressentiment, l'orgueil, la dignité, l'agressivité, les passions— deviennent le moteur d'une part de plus en plus importante des actions sociales ou politiques de la population. Pour le philosophe, à l'instar des banques où l'on dépose son argent, on transmet à certains partis, à certains syndicats, à certaines institutions, cette émotion qu'est la colère sous forme de revendication que l'on veut voir fructifier, comme un placement. Dans cette perspective, force est de constater que les communes et leurs associations nationales sont devenues la première banque de colère territoriale. Elles ont absorbé au cours de ces dernières années les capacités locales de colère, d'expressions vindicatives, de rancœur et en sont aujourd'hui —malgré elles pourrait-on dire— les principaux vecteurs ; c'est pourquoi elles inscrivent désormais leur action dans une culture de l'indignation.
Pas étonnant de fait, que la proposition de loi TRACE —pour Trajectoire de Réduction de l'Artificialisation Concertée avec les Élus Locaux— élaborée par le Sénat et discutée durant le Congrès ait été accueillie plus que favorablement par l'audience, face à un ZAN jugé « technocratique », c'est-à-dire liberticide parce qu'il remet trop en cause le droit au développement de tous les territoires. Force est de constater que la démultiplication des catastrophes climatiques, dont les images inondent nos écrans, ne semble pas suffisante pour empêcher l'abandon des exigences chiffrées en matière de sobriété foncière.
Pas étonnant aussi, que la résolution générale adoptée à l'issue du Congrès propose de lutter contre la « supracommunalité » en ramenant ainsi l'intercommunalité au modèle de la coopérative communale. Peu importe finalement, que la grande majorité des communes en France ne disposent que de services réduits au minimum et d'une compétence dite générale inatteignable et qu'elles ne doivent leur pérennité qu'aux projets, aux services, au processus de solidarité et de mutualisation portés par les communautés de communes et les agglomérations et à l'adossement à toute la chaîne des pouvoirs publics.
Sans doute, les intercommunalités, échelon pivot des politiques écologiques, sont-elles victimes malgré elles de cette vague émotionnelle communale dans la mesure où, d'une part, elles incarnent des bureaucraties techniciennes surplombantes et, où, d'autre part, elles sont vécues en tension ou en absorption des communes, le tout au détriment de la notion de « bloc local ». Pour autant, dans le contexte actuel, l'ADGCF plaide plus que jamais pour que les intercommunalités prennent appui en quelque sorte sur leurs « défauts » —la dimension interterritoriale et l'expertise— pour raconter, avec
enthousiasme, les défis de la transition ! Gageons, mes cher(e)s collègues que ce sera là, dans la perspective des élections locales de 2026, le sujet de nos prochaines Universités d'été qui se dérouleront les 2, 3 & 4 juillet 2025 à Chalon-sur-Saône !
Régis PETIT
Président de l'ADGCF