entre trois « camps » plus que jamais opposés et on mesure ici l'ampleur de la tâche du nouveau Premier ministre, François Bayrou, pour parvenir à installer dans la durée le prochain Gouvernement... La France est bel et bien entrée en « territoire inconnu ».
Comment comprendre ce renversement de l'« ordre établi », le brouillage idéologique, voire le recul de certaines valeurs ? Comment expliquer l'incapacité du « système politique » à dépasser ses clivages dans une perspective d'intérêt général et à assurer la régulation sociale, financière et démocratique de la Nation ?
Le concept d'« anomie » développé par Émile Durkheim à la fin du 19 ème siècle peut sans doute nous aider à mieux appréhender les ressorts des bouleversements que nous sommes en train de vivre. Pour le sociologue, lorsque les sociétés sont confrontées à des mutations profondes, les évolutions et changements occasionnés suscitent des « ruptures » sociales et politiques, potentiellement radicales. Pourquoi ? Parce que les règles, communément admises jusque-là ne font plus consensus ; en conséquence, les liens qui rattachaient les individus au corps social et à la communauté nationale se désagrègent, générant souffrance individuelle et comportements déviants. Mieux : par « contagion », les structures et institutions politiques, que l'on croyait pourtant immuables, s'étiolent elles-aussi, irrémédiablement...
C'est bien ce moment anomique, celui d'un effondrement des normes collectives, préjudiciable au « vivre ensemble » que nous traversons. Face à l'accélération inéluctable de l'histoire mondiale, à l'intensification des conflits géopolitiques, à un tassement de notre économie et à la démultiplication des catastrophes écologiques, notre pays vit au rythme de convulsions politiques destinées à durer. Surtout d'un point de vue sociétal et donc territorial, ce moment anomique apparaît malheureusement comme la négation de toute solidarité c'est- à-dire comme le temps d'un individualisme forcené. Cette irrésistible tentation du repli sur soi, nous pouvons d'ailleurs en sentir les soubresauts dans nos communautés et métropoles : sinon, comment interpréter certaines remises en cause du principe mutualiste de l'intercommunalité qui s'accroît depuis quelques années et la tentation de repli sur l'espace communal ?
Pour l'ADGCF, il n'est plus envisageable de se voiler la face. Il est urgent de se lancer collectivement, État, collectivités, société civile et économique, dans un travail de décryptage et d'explicitation susceptible d'apporter une réponse concrète à cette nouvelle donne sociétale, c'est-à-dire de définir les fondements d'un nouvel ordre social à partir de la production de nouvelles normes, partagées par les membres de notre communauté nationale. Il n'y a pas d'autre voie possible « si l'on veut être à hauteur de ce qui nous arrive » pour paraphraser le philosophe Gilles Deleuze et surtout sortir de l'inconscience historique, caractéristique de notre époque. Gageons, mes cher(e)s collègues, que l'ADGCF tâchera d'apporter sa pierre à ce vaste, ambitieux mais aussi passionnant dessein ! En attendant, je vous souhaite de belles fêtes de fin d'année !
Régis PETIT
Président de l'ADGCF