vingtaine d'élus locaux, de suivre un cursus spécifique déployé sur sept mois. Son ambition : aider ces élus à mieux répondre aux enjeux du quotidien mais aussi leur permettre de voir au-delà de la chronologie du mandat et de réinventer les ressorts de leurs décisions et de leurs actions à l'aune des grandes transitions contemporaines.
La conférence inaugurale du certificat, prononcée par le politiste Alain Faure, aura été l'occasion de revenir sur l'« autre » événement majeur de la journée, l'investiture de Donald Trump. Pas une chaîne d'info qui n'ait dédié des heures d'antenne à ce moment politique mondial de haute intensité, pas un quotidien qui n'en ait garni sa Une, en bref, impossible de passer à côté de la prestation de serment du 47ème Président des États-Unis. Parfois exaltées, parfois circonspectes, voire révulsives, les réactions relayées par les médias ont été extrêmement contrastées. A l'aune du personnage, pouvait-il en être autrement ? Au-delà des prises de position suscitées et de leur radicalité, on ne peut que s'interroger sur les nouvelles réalités politiques que traduit cette élection et sur ce qu'elle peut révéler, par analogie, de la situation politique française.
Certes, pour Alain Faure, si la France se caractérise par une autre culture, par un sens de la nuance plus affirmé, par la recherche d'une certaine esthétique de la politique, il n'empêche : nous ne sommes aujourd'hui plus très éloignés de cette idée qui veut que l'on demande moins à un élu d'être « compétent », que d'« incarner » son territoire. C'est bien en condamnant les élites traditionnelles de son pays à l'aune de leur soi-disant incompétence —a-t-il lui-même les « qualités » requises ?— que Donald Trump a construit une autre forme de légitimité, plus symbolique et surtout plus efficace, revendiquant une capacité à traduire et à représenter les aspirations « réelles » du « peuple » américain.
En bref, tout ce que l'on sait des mécanismes de politisation, du fonctionnement des partis et de l'autorité des gouvernements est mis en tension par un nouveau rapport à la politique, plus émotionnel, reposant sur un populisme ordinaire qui s'émancipe précisément des institutions et des élites. Qu'est-ce cela nous dit de l'appréhension contemporaine du fait politique ? Eh bien, que la question de la professionnalisation de l'action publique et sa performance n'est plus le critère principal pour les électeurs lorsqu'ils jugent leurs élus. Tout le récit de la « compétence », les outils qui permettent de piloter avec efficacité l'action territoriale, leur cohérence, toute cette grammaire, a de moins en moins d'impact sur le vote des électeurs. Donald Trump est sans doute le premier président américain qui aura jusqu'au bout porté un discours très radical sur l'incapacité des institutions de son pays à gérer les crises, un discours complètement irraisonnable, outrancier, mais stratégique et totalement volontaire. Et ce signal-là, force est de le constater, on commence à le voir dans notre pays, à l'échelle nationale mais aussi locale.
Mobilisant les travaux d'un de ses collègues, Christian Le Bart, Alain Faure souligne que le récit qui marche aujourd'hui, c'est celui de l'omniprésence sur le territoire. En d'autres termes, il faut s'afficher, être en prise de contact direct avec la population. Cela ne dit rien du contenu du programme, de la construction idéologique des orientations et des choix opérés. Mais c'est une constante, c'est le récit de la proximité, c'est le récit de la toute-puissance de la parole citoyenne —la mode actuelle des conventions citoyennes en est un exemple, alors même que l'analyse montre qu'elles sont loin de produire de la décision. Le résultat de cette dynamique : les élus locaux, en grande difficulté aujourd'hui, sont de plus en plus obsédés par le culte de la visibilité. Certes, cela a toujours été vrai mais, auparavant, il s'agissait d'une visibilité sociale, codifiée. Désormais, les élus se doivent de montrer qu'ils sont personnellement impliqués, qu'ils parlent avec leurs « tripes », qu'ils construisent leur rapport à la politique à partir de leur vécu et de ce qu'ils ressentent. Bien sûr, leurs ressentis sont légitimes. Pour autant, leur expression systématisée marque un tournant dans la gestion de la cité. Pourquoi ? Parce que la raison semble avoir quitté le champ de la politique. Aujourd'hui, tous les mécanismes de démocratie sont menacés par ce risque d'aveuglément, de non-maturation des problèmes complexes.
Mes cher(e)s collègues, Alain Faure et Christian Le Bart seront tous deux présents à nos prochaines Universités d'été qui se déroulement les 2, 3 & 4 juillet à Chalon-sur-Saône. L'occasion d'échanger avec eux sur le moment de forte effervescence émotionnelle que nous vivons et d'esquisser collectivement les contours d'une nouvelle boussole pour notre Société.
Régis PETIT
Président de l'ADGCF